Journées du Patrimoine 2025
20 -21 septembre : visite accompagnée de la chapelle et du jardin 14h - 17h
Le Moulin du Silence
Histoire d’eau, de pierre et de prière.
"Heureux ceux qui savent regarder une pierre, un arbre, une flamme.
Car dans ce regard, Dieu se dit en silence."
Introduction
À Senlis, au bord de la Nonette, un ancien moulin veille depuis près de neuf siècles. Il a connu les révolutions, les flammes, les métiers du cuir et du blé, les chants des lavandières et les clameurs de guerre. Aujourd’hui, il abrite une autre forme de souffle : celui de la prière. Les sœurs Clarisses ont restauré ce lieu pour en faire un monastère ouvert sur la lumière, la nature et l’intériorité. Ce texte, écrit par un ami pour les journées du Patrimoine, vous invite à traverser les âges, à écouter la mémoire des pierres, et à découvrir la vie discrète mais vibrante d’une communauté en quête d’absolu.
1. Senlis, la Médiévale
Entre la forêt d’Halatte et la cathédrale, Senlis déploie ses ruelles pavées comme un témoignage vivant de son histoire. Résidence royale sous les premiers Capétiens, elle fut aussi ville de foi, de commerce et d’artisanat. Le XIIIème siècle y marque un sommet : on y travaille la laine, le cuir, la fourrure. Les halles bruissent, les moulins tournent. C’est dans cette effervescence qu’est né le moulin Saint-Étienne, au bord de la Nonette.
2. Le Moulin Saint-Étienne : au fil de la Nonette
En 1141, le moulin est donné à l’abbaye Saint-Vincent. Fortifié, il devient une pièce du jeu défensif de la ville. Il nourrit, il tourne, il veille. Mais les siècles passent : destructions, reconstructions, ventes et renaissances. Il sera meunerie, scierie de marbre, moulin à tan, fabrique de caoutchouc. Il brûle, renaît, se transforme. Là où l’eau continue de couler, les pierres gardent la mémoire.
3. Mille vies, une âme
La révolution confisque le moulin et le vend comme bien national. Les propriétaires se succèdent, les activités se transforment : tannerie, scierie, caoutchouc. L’incendie de 1950 marque un tournant. Mais en 1956, Mme Mercier-Bonnet ressuscite le lieu, y fonde une maison d’accueil et une chapelle. Un souffle spirituel revient peu à peu hanter les lieux. L’association "Le Clos Saint-Étienne" est créée, avec un objectif : offrir un refuge à ceux qui en ont besoin. Le moulin devient héritier d’une autre forme de mémoire : celle de la bienveillance.
4. Les Clarisses : héritières d’un souffle
Fondées par Claire d’Assise au XIIIème siècle, les Clarisses vivent dans la pauvreté, la prière et la joie silencieuse. Réformées par Sainte Colette au XVème siècle, elles déploient leur présence en France, jusqu’à Paris. Mais au début des années 2000, leur monastère parisien est devenu trop vaste, trop coûteux. Il faut partir. Et c’est à Senlis, au bord de la Nonette, que les sœurs posent les yeux. Le lieu est à l’abandon, mais elles y perçoivent un appel. Un clocher à l’horizon, un jardin délaissé, une rivière qui murmure : c’est ici.
5. Une renaissance mur à mur
Avec l’architecte Bruno Le Moal, spécialiste de lieux de vie contemplatifs, commence une aventure de cinq années. Chaque mur est écouté, chaque chemin pensé. Il ne s’agit pas de bâtir, mais de révéler. L’ancien moulin devient monastère, les cloisonnements cèdent la place à la respiration. Deux centres gravitent : le cœur monastique près de la rivière, et l’hôtellerie, le long de la rue. Le bâti se déploie comme une relecture du passé : sobre, ouvert, ancré.
6. La chapelle : une nef tournée vers la lumière
C’est le cœur du lieu, son joyau. Une nef en bois clair, coiffée d’une voûte en châtaignier. La lumière entre doucement par un bandeau vitré qui ceint la base du toit et baigne l’espace à toute heure du jour. Le chœur, vitré, s’ouvre sur la nature. Le Christ en croix se détache des arbres. L’autel, ovale, en bois blond lui aussi, semble en dialogue avec le paysage. Ici, tout est pensé pour laisser place à la présence. La nuit, le monastère devient veilleuse : les boiseries s’éclairent en douceur, comme une lampe de paix dans la ville endormie.
7. Vivre le monde sans s’y perdre
La vie monastique est discrète mais rythmée. Les chambres s’ouvrent sur la rivière, les couloirs deviennent des lieux de lecture, les jardins respirent la paix. L’oratoire du XIXème siècle, le séchoir transformé en bibliothèque, les salons reconvertis en salles de chapitre… chaque pierre a retrouvé sa vocation d’accueil. L’hôtellerie permet aux visiteurs de vivre une pause, un temps de silence, un retour à soi.
8. Une communauté en chemin
Elles sont aujourd’hui six, peut-être davantage demain. Leurs visages sont simples, leurs voix douces. Elles prient, travaillent, accueillent. Leur mission n’est pas de faire du bruit, mais de tenir vivante une flamme. Dans le silence du moulin, les Clarisses font entendre une autre présence. Celle de la lenteur, de l’attention, de la lumière intérieure.
9. Un lieu ouvert, un souffle offert
Les Journées du Patrimoine sont une chance : entrer dans un lieu habité, le visiter sans le profaner. Ici, tout est pensé pour la paix. La porterie accueille, les parloirs relient, la chapelle respire. En quittant cette page, emportez peut-être avec vous plus qu’un souvenir : un silence, une inspiration, un appel à regarder le monde autrement.