Tau franciscain   Clarisses de Senlis

Béni-sois-tu

messe en temps d'épidémie

un très beau texte de Jean-Pierre  DENIS :

La messe télévisée sur France 2, célébrée en studio après une nuit de préparatifs, a offert à des centaines de milliers de personnes un grand moment de vérité spirituelle. Nous étions devant notre écran.

Qu’elle était émouvante, mon Dieu, cette célébration dominicaine et dominicale, sur France 2 ! Filmée dans un studio qui pourrait se situer partout, ou se cacher nulle part, avec une émouvante économie de moyens, elle semblait presque clandestine, comme une église de maison. Et pourtant, alors que la force pandémique cloue nos portes, elle s’élevait comme une messe sur le monde, offerte à l’inconnu, aux quatre vents, sans filtre, sans barrière ni frontière, sans suspicion, sans protection.

Sans doute, ceux qui regardent le Jour du Seigneur sont souvent des personnes âgées ou malades, des inactifs ou des isolés, des sans-paroisse, des sans-voiture, des sans-famille. Des gens que l’on ne voit pas beaucoup, dont on parle moins encore, et qui ne comptent guère. Et soudain, en ce dimanche 15 mars 2020, le flot de la vie sort de son lit, le courant change de sens. Nous nous réfugions chez eux. Nous leur demandons l’hospitalité eucharistique. Et, surprise ! Nous découvrons qu’ils forment une immense communauté et qu'ils nous attendaient.

Les pauvres, les inactifs, les malades et les isolés ne sont pas à l'écart, mais en avant.

Nous voici dans leur peuple d’assis et d’alités, nous qui nous déplacions si aisément qu'il nous arrivait de bouder notre paroisse pour de futiles motifs. Et à nous, les arrivés de la dernière heure, on ne demande rien. On ne fait aucune remarque. Entrez ! Il y a de la lumière, du pain et du vin, de la place ! Alors nous nous asseyons discrètement devant notre écran. Et nous comprenons qu’ils ne sont pas à l’écart, mais en avant. Expérimentés plus que nous, qui ne savons pas trop comment nous comporter lorsque la messe se joue à domicile. Nous méditons ce qu’est une communion d’intention et d’attention.

D’un coup, on nous a confisqué notre belle paroisse, d’un coup on nous a déplacés et nous ne sommes que trop heureux de bénéficier de cet hébergement d’urgence, d’être accueillis comme des pauvres. Depuis plus de 70 ans, la messe télévisée est palais du peuple. Service public au carré. Indispensable à la vie de la Nation, pour parler comme le gouvernement.

Un autel d'humilité, de pauvreté et de sincérité.

Et puis, dans ce studio caché, il y avait autre chose. Une fraîcheur. Une ambiance de premiers chrétiens. Une impression de voir en acte les Apôtres. Quatre frères dominicains, un prêtre ouvrier et trois laïcs. Une chapelle télévisée, mais surtout improvisée. Un autel d’humilité, de pauvreté et de sincérité. Un chœur splendide et du cœur à la schola. On n’avait pas du tout le sentiment d’assister à la fin d’un monde, à une époque angoissante, agonique, mais à l’aube des temps nouveaux. On se tenait au plus près de la scène évangélique originelle, contemporains de la Samaritaine qui rencontre Jésus au puits. C’est peut-être un monde qui vacille. C’est peut-être une crise qui bouleverse. Mais c’est un christianisme qui commence.